Par les temps qui courent, le fait de se projeter dans cinq ans donne franchement le vertige. Il paraît évident que nous ne pouvons pas détourner notre regard et rester à attendre que d’autres nous apportent des développements et des innovations. La concurrence ne ralentit pas et il est actuellement nécessaire d’être capable de prédire quel sera le rôle et le comportement des différents acteurs dans la transformation numérique de l’industrie (machines, logiciel, plateformes, protocoles de communication) pour donner la ligne directrice et arriver à conduire le changement auquel nous sommes confrontés.
Asier Ortiz, CTO de Lantek
Ce postulat ayant été exposé, comment devrait-être la machine du futur ? Lors des précédentes révolutions industrielles, les principaux piliers permettaient de produire de moins en moins cher, alors que lors de la quatrième, nous sommes face à l’hyper-connectivité et l’interopérabilité, où la machine doit non seulement tirer profit des technologies physiques, mais aussi des technologiques numériques. L’environnement de production de l’industrie du métal qui se profile dans l’avenir est doté de capteurs intégrés pour répertorier n’importe quelle situation pertinente dans la machine, les machines sont connectées comme n’importe quel autre système logiciel et les informations circulent, sont partagées et stockées dans le cloud pour être analysées grâce à l’intelligence artificielle et à l’apprentissage automatique. Cette nouvelle situation permet d’apporter de nouvelles réponses, cette fois, prédictives et prescriptives, aidant les personnes et les systèmes à prendre de meilleures décisions en temps réel.
Le développement technologique, dans l’axe de l’Industrie 4.0, progresse si rapidement que cela peut paraître prétentieux d’affirmer à 100 % comment seront les machines du futur. Cependant, nous sommes capables de dire vers où vont les tendances et jusqu’où nous pressentons que nous devons nous diriger. La machine intelligente fonctionnera dans l’ensemble de systèmes comme un système logiciel de plus et cela obligera les fabricants de machines-outils à changer de paradigme concernant leur façon de concevoir, fabriquer et déployer leurs machines dans les usines de production de leurs clients. C’est un fait, l’usine intelligente est actuellement en train d’être mise au point et le rôle de chacun des éléments qui la définit devient plus clair : les machines, le logiciel de programmation de celles-ci, le logiciel de planification de la production, le logiciel de gestion de l’entreprise, les mécanismes d’intégration entre les différents systèmes d’entreprise, etc.
La machine qui agit immergée dans une usine intelligente doit être une machine intelligente du fait de l’intégration de logiciel comme étant une partie essentielle de son système. Depuis sa création, le logiciel CAM génère le programme que la machine exécutera, mais jusqu’à présent ils ignoraient leur existence réciproque. La machine du futur intégrera des fonctions qui sont maintenant uniquement propres au logiciel externe à celle-ci. C’est-à-dire que, dans un futur proche, la machine se transformera en un autre système logiciel de plus, au sein d’une solution de systèmes interconnectés et interagissant entre eux.
Quant au logiciel de programmation de la machine (CAM), le défi est de savoir comment vont être ses nouvelles architectures et jusqu’où iront ses capacités. Au cours des 40 dernières années, sa base n’a pas évolué : Les importateurs CAD, la génération d’instructions à partir d’une configuration et paramétrisation de la machine, ainsi que la génération d’un fichier de commande numérique à exécuter dans un contrôle industriel. Tout cela à partir d’algorithmes et d’une fonctionnalité basés sur des interfaces de logiciel installés sur un ordinateur personnel ou, dans des environnements multi-utilisateurs, sur un serveur connecté au réseau local. Il faut tenir compte du fait que cette structure et toute la capacité déployée par le logiciel qui programme la machine est basée sur ses algorithmes et fonctions et que ceux-ci limitent son actuelle portée potentielle.
Il sera indispensable d’analyser si les nouvelles possibilités d’obtenir une puissance de calcul supplémentaire dans différents environnements sur un ordinateur local permettent d’exécuter une nouvelle algorithmique beaucoup plus puissante. L’objectif est que cette exécution ait lieu sans que l’utilisateur ne s’occupe de rien et de manière imperceptible. Pour y parvenir, il est très probable qu’une partie importante de ce que nous comprenons aujourd’hui comme un élément faisant partie du logiciel CAM soit déplacée sur le « système machine ». En définitive, le logiciel de programmation doit se focaliser sur la connaissance du résultat spécifié par le client (qualité, coûts, temps) ainsi que sur des éléments qui pourraient avoir un effet sur le processus de production.
Le processus de production commence par la captation du travail, continue par sa planification, avec l’approvisionnement en matières premières et la réserve de capacités qui en découlent, s’effectue dans l’usine en charge de la découpe sur une machine et, suite à toutes ces opérations ultérieures, il s’achève par la livraison au client. Pendant ce processus, le logiciel de programmation laissera la machine résoudre les caractéristiques spécifiques liées à chaque technologie de découpe pour transformer une esquisse en une pièce finale découpée. Tout cela avec l’indispensable processus chorégraphique qui est possible grâce à l’intégration du CAM au système de planification de la production MES. Le fait de déterminer quelle partie du logiciel CAM actuelle doit migrer et fusionner avec la machine est le nœud gordien de l’usine intelligente. Cette décision aura des conséquences sur le reste des systèmes impliqués, aura un impact sur la manière dont les différents systèmes interagissent et définira comment s’orchestreront les services réalisés dans l’usine intelligente.
Une machine intelligente nous dira, en vérifiant les différents capteurs et alarmes internes, dans quelle condition de production elle se trouve, si elle est capable de réaliser à temps toute la production qui lui a été attribuée, demandera une attention particulière pour arranger des situations anormales ou modifier sa planification, apportera une série de données qui permettront de trouver des patrons de comportement qui favoriseront une meilleure performance et permettront d’anticiper des situations non désirées. La machine du futur travaillera de manière autonome dans une usine intelligente, en s’efforçant d’être productive et efficace, évitera les arrêts non désirés, disposera de toutes les données et applications qui lui octroieront une intelligence pour prendre des décisions en temps réel, sollicitera des fonctions ou des services situés dans le cloud pour la résolution de décisions ou l’obtention de données complémentaires et informera des résultats obtenus ainsi que des données utilisées pour y parvenir. Ces données pourront être élaborées par des systèmes analytiques permettant l’amélioration et l’apprentissage des systèmes de planification, CAM ou sur la propre machine, transformant la solution dans son ensemble en un système expert.
Jusqu’à présent, tout le système de la machine devait être logé et calculé avec les ressources de la machine elle-même. Dans notre vision, nous prédisons que l’idée n’est pas de loger plus d’électronique et de capacité de calcul à côté de la machine, ce qui serait une approche ancienne. Grâce aux technologies comme la 5G, nous pourront avoir une connectivité et un transfert d’informations à haut débit et placer les ressources de calcul à distance de la machine elle-même, en arrivant à avoir les mêmes effets que nous avons aujourd’hui avec des dispositifs intégrés localement à la machine. Cela ouvre la voie à un logiciel qui, même s’il est hébergé dans le cloud, continue de faire partie intégrante du système de la machine, ce qui nous mène à un nouveau niveau de calcul qui offre un monde d’options aux services dont la machine dispose. Aujourd’hui, il propose une interface pour exécuter un CNC, demain il pourrait proposer une multitude de services innovants permettant de trouver une solution aux exigences de fabrication de l’usine de production ou, directement, de mes clients.
Pour pouvoir utiliser et tirer le meilleur profit des capacités technologiques dans la résolution des problèmes dans l’industrie 4.0, nous devons déterminer très clairement quels processus et quelles données nous allons exécuter dans le cloud et lesquels se trouveront dans un environnement local. La machine étant convertie en un système logiciel de plus, son apport sera décisif pour le succès de l’ensemble, encore plus que cela ne l’est actuellement. Cette architecture distribuée de systèmes intelligents est celle qui devrait nous assurer une forte productivité aussi bien de la machine que de l’usine dans son ensemble et à la fois résoudre les problèmes d’une manière plus efficace grâce aux nouvelles technologies.